26 septembre 2023 : Ernst Jünger : un écrivain face à la guerre

26 septembre 2023 : Ernst Jünger : un écrivain face à la guerre

Ernst Jünger : un écrivain face à la guerre

par FRÉDÉRIC CASOTTI

Homme d’épée et de lettres, Ernst Jünger a vécu de nombreuses guerres. Ces combats servirent de matrice à son œuvre dont le talent littéraire fit de lui un écrivain respecté. Sa francophilie lui permit d’échanger régulièrement avec les écrivains français.

Il existe une dichotomie entre ceux qui ont vécu la guerre, parfois en héros, et qui la détestent au point d’en devenir pacifistes, et ceux qui la magnifient ou y incitent, en ne l’ayant généralement pas faite. Ernst Jünger fait figure d’exception, ayant tout à la fois connu deux conflits mondiaux et fait des récits de guerre une des pierres angulaires de son œuvre labyrinthique et dantesque (l’homme a vécu 103 ans et a écrit jusqu’à deux ans avant sa mort). Engagé volontaire dans la Légion étrangère à dix-sept ans, combattant quatorze fois blessé en 1914-1918, entré dans le rang après le premier conflit mondial, capitaine quadragénaire en poste à Paris durant l’Occupation, père épleuré d’un fils mort durant la campagne d’Italie, le Souabe autodidacte a accumulé expériences et écrits martiaux (Orages d’acier, Le combat comme expérience intérieure, Jeux africains, Sur les falaises de marbre, Journal de guerre, La paix …).

Sa compréhension du nouveau paradigme de la guerre totale et mécanique et l’obligation de servir sous un régime qu’il méprisait ont toutefois subverti ses croyances et catégories originaires. Mis à l’index à partir de 1945 pour avoir refusé les opérations de dénazification qu’il estimait inapplicables à sa personne, associée au régime nazi quand il l’avait au contraire haï[1], Jünger vécut la seconde partie de sa vie – à la vérité plus longue que la première – en ermite, pourfendant le Léviathan étatique et ne quittant sa thébaïde du lac de Constance que pour assouvir à travers le monde sa passion pour les insectes.

Le crépuscule de son existence, marqué par une étude complète et approfondie de la Bible et une conversion au catholicisme, correspondit à une forme de réhabilitation. Ainsi obtint-il, non sans polémique, le prix Goethe en 1982 et fut invité par François Mitterrand en 1993 à l’Élysée comme symbole de la nouvelle amitié franco-allemande. Au risque du cliché, il était le plus francophile des écrivains allemands.

Une jeunesse dans la guerre

Ernst Jünger (1895-1998) était l’aîné d’une famille de cinq enfants. Imperméable à la discipline scolaire, il fugua et s’engagea à dix-sept ans dans la Légion étrangère française (comme, à peu près la même époque, Cendrars et Malaparte). Il se retrouva par exemple en Algérie. Rentré en Allemagne et de nouveau lycéen, il fut mobilisé à dix-neuf ans, en août 1914. Il combattit durant tout le premier conflit mondial, sur le territoire français notamment, d’abord en simple soldat, puis comme sous-officier, en qualité de commando et enfin en tant qu’officier (lieutenant). Semblant invincible pour avoir survécu à quatorze blessures, il reçut le 22 septembre 1918 la Croix pour le mérite, plus haute décoration de guerre impériale. Jünger retraça ces quatre années de combats dans Orages d’acier, qu’il fit publier à compte d’auteur en 1920. Suivit en 1922 Der Kampf als inneres Erlebnis, relatant, sur un mode autofictionnel ses souvenirs du combat et l’effet sur l’âme des soldats de conditions de vie extrêmes dans les tranchées, outre ses premières réflexions philosophiques et politiques sur la bravoure et le pacifisme.

Les images du journalisme de guerre depuis 1848

Jünger avait vécu dans sa chair cette incontestable vérité anthropologique qu’il prophétisa : l’on avait réalisé en ce premier conflit mondial, et du fait de la mécanisation, un saut qualitatif. La guerre était désormais totale et mobilisait l’ensemble de la société dans une entreprise de destruction de la nature et des Hommes. Ces derniers furent avilis, rampant dans la boue, pulvérisés sous la mitraille, massacrés pour reprendre quelques centaines de mètres de terrain. La pierre de touche de ce nouveau conflit est la technique, le matériel, qui « annexent l’homme comme un rouage impersonnel de son empire »[2] ; soit, du point de vue métaphysique, un arraisonnement total de l’homme et de la nature[3]. Cette prise de conscience engendra la figure du Travailleur[4].

21 septembre 2023 : Les traitres au sommet par Daniel Tant

21 septembre 2023 : Les traitres au sommet par Daniel Tant

Les traitres au Sommet

Avant la Première guerre mondiale, les services de contre-espionnage de l’empire autrichien sont dirigés par le colonel Alfred Redl.

Pour l’éliminer, les Russes envoient en Autriche un Balte du nom de Pratt, qui enquête sur Redl. Puis il adresse à ce dernier une lettre menaçant de révéler les relations homosexuelles qu’il entretiendrait avec un lieutenant du 3ème régiment de Dragons.

Pour éviter le scandale, Redl accepte de passer dans le camp russe à condition qu’il lui soit envoyé un espion russe qu’il fait condamner par les tribunaux, se couvrant ainsi de gloire, recevant une décoration et l’ouverture de portes administratives.

Le marché se répète jusqu’à la rencontre à Kowno de Redl et Batiochine, le chef de la 7ème section de l’espionnage russe. Contre une fortune, Redl doit donner les plans de la mobilisation autrichienne et les noms des meilleurs espions en Russie. En échange, Batiochine doit fournir le nom de ses agents en Autriche.

Mais l’état-major autrichien se doute qu’il existe une taupe et charge Redl de trouver le nom du traître. Ce dernier se tire d’affaire en prétendant que les plans transmis sont sans valeur.

Le ministère des Affaires étrangères autrichiennes ouvre une enquête, ce qui autorise la police à ouvrir toutes les lettres. Redl se fait adresser les courriers de Batiochine en poste restante à Podvoloczyska. Mais un employé de la Poste est intrigué par ces lettres à l’aspect spécial. Il en rend compte à sa hiérarchie qui transmet un de ces courriers à la police. Cette dernière trouve à l’intérieur 12 000 couronnes en monnaie.

La lettre est refermée puis remise dans la case « Opéra Ball 13 » de la poste restante et une surveillance est mise en place.

Des semaines plus tard, Redl vient prendre l’enveloppe et part dans un taxi dont le numéro est relevé. Le chauffeur donne l’adresse de l’hôtel Klomser où son client est descendu, et un canif que ce dernier a perdu dans le véhicule. C’est un hôtel de prestige et il n’est pas question de perquisitionner chaque chambre.

Un piège est tendu. Le concierge de l’hôtel demande à un officier descendant l’escalier si le canif lui appartient. C’est Redl qui hoche la tête affirmativement. Aussitôt il est arrêté et interrogé par son adjoint. Il reconnaît ses torts. Un revolver lui est tendu. Il le saisit et se rend justice deux heures plus tard. Le lendemain le bureau de presse de l’armée publie un article selon lequel Redl souffrait de dépression

18 septembre 2023 : Le Renseignement aérospatial Article paru dans le journal  Carnet de Vol 143-2023 par le Lieutenant Pierre Vallée Chef de la section rédaction au CESA

18 septembre 2023 : Le Renseignement aérospatial Article paru dans le journal Carnet de Vol 143-2023 par le Lieutenant Pierre Vallée Chef de la section rédaction au CESA

 

Attention

Cet Article est la pleine propriété de Carnet de Vol 143-2023 écrit par le Lieutenant Pierre Vallée Chef de la section rédaction au CESA. Autorisation de mise en ligne demandée par téléphone le 18 Septembre 2023.

L’article ne doit être ni reproduit ni transmis dans les médias 

 

6/09/2023 : UN EMPIRE BON MARCHE: HISTOIRE ET ECONOMIE POLITIQUE DE LA COLONISATION FRANÇAISE, XIXE-XXIE SIECLE  PAR DENIS COGNEAU

6/09/2023 : UN EMPIRE BON MARCHE: HISTOIRE ET ECONOMIE POLITIQUE DE LA COLONISATION FRANÇAISE, XIXE-XXIE SIECLE  PAR DENIS COGNEAU

UN EMPIRE BON MARCHE: HISTOIRE ET ECONOMIE POLITIQUE DE LA COLONISATION FRANÇAISE, XIXE-XXIE SIECLE  

de Denis Cogneau (Auteur)

Au XIXe siècle, la France s’est lancée dans la colonisation de pays entiers en Afrique et en Asie. Quelles ont été les motivations et les méthodes de cette politique ? Comment les sociétés dominées ont-elles été bouleversées, et quel développement économique et social ont-elles connu ? La décolonisation est-elle achevée aujourd’hui ? Un Empire bon marché propose de nouvelles réponses à ces questions controversées.

Grâce à un long travail d’archives et d’analyse statistique, l’ouvrage décrit ainsi avec une grande précision les États coloniaux et leur fonctionnement – à travers notamment la fiscalité, le recrutement militaire, les flux de capitaux et les inégalités. Il montre que l’empire a peu coûté à la métropole jusqu’aux guerres d’indépendance, et que les capitaux français n’ont pas ruisselé vers les colonies. La « mission civilisatrice » que la République française s’était assignée n’a donc pas débouché sur le développement des pays occupés, et c’est plutôt un régime à la fois violent et ambigu qui s’y est établi. De fait, le régime colonial a surtout bénéficié à une petite minorité de colons et de capitalistes français. Quant aux élites nationalistes, elles ont le plus souvent reconduit un État autoritaire et inégalitaire après les indépendances. En s’attachant à l’évolution des sociétés colonisées et à leur devenir, Denis Cogneau fournit une contribution majeure et un nouvel éclairage sur l’impérialisme, d’hier à aujourd’hui.

6/09/2023 : L’INVENTION DU SAHEL  PAR JEAN-LOUP AMSELLE

6/09/2023 : L’INVENTION DU SAHEL  PAR JEAN-LOUP AMSELLE

L’INVENTION DU SAHEL  

de Jean-Loup Amselle (Auteur)

Le Sahel est une catégorie, comme toutes les catégories qui s’appliquent à l’Afrique, ethniques et géographiques entre autres, qui semble aller de soi. Evoquant les famines et les sécheresses des années 1970, les révoltes et insurrections qui se produisent dans toute cette zone depuis des décennies, le Sahel est vu avant tout comme une terre dangereuse. Peut-être en va-t-il ainsi parce qu’il s’agit d’une catégorie instable, hybride, intermédiaire entre le désert et la savane, entre le nomadisme et la sédentarité, entre des populations « blanches » (Touaregs, Maures), des populations « rouges » (Peuls) et des populations « noires », entre l’animisme et l’islam. Impossible donc de définir de façon stricte ce qu’il en est du Sahel, de ses limites, de ce qui le caractérise en propre. Il s’agit d’une notion totalement arbitraire qui ne doit son existence qu’à la consolidation que lui ont fait subir un certain nombre de savants coloniaux et dans la foulée des écrivains et des cinéastes africains dont le plus célèbre d’entre eux est Mohamed Mbougar Sarr, lauréat du prix Goncourt 2021 pour son roman « La plus secrète histoire des hommes ». L’hypothèse de ce livre est donc que les problèmes de ce qui forme aujourd’hui le Sahel (en particulier la défaite de l’armée française) sont en grande partie le résultat d’une représentation figée de cette région géographique d’Afrique de l’ouest.

Points forts : invention coloniale du Sahel, critique des « intellectuels de cour » sahéliens, critique la littérature sahélienne comme porteuse d’une attitude pro-soufie, pro-animiste islamophobe, fémo et homonationaliste.

Bio-bibliographie

Anthropologue, Directeur d’études émérite à l’EHESS, ancien rédacteur en chef des « Cahiers d’études africaines », spécialiste du Mali et de l’étude de l’ethnicité, de l’identité et du métissage.
Principaux ouvrages
Au coeur de l’ethnie : ethnies, tribalisme et État en Afrique, avec Elikia M’Bokolo, La Découverte, 1985, rééd. La Découverte poche, 1999.
Logiques métisses : anthropologie de l’identité en Afrique et ailleurs, Payot, 1990, rééd. 1999.
Vers un multiculturalisme français : l’empire de la coutume, Aubier, 1996, « Champs », 2001.
Branchements. Anthropologie de l’universalité des cultures, Flammarion, 2001, « Champs », 2005.
L’Occident décroché. Essais sur les postcolonialismes, Paris, Stock, 2008, Fayard/Pluriel, 2010.
Rétrovolutions. Essais sur les primitivismes contemporains, Paris, Stock, 2010.
Avec Souleymane Bachir Diagne, En quête d’Afrique (s). Universalisme et pensée décoloniale, Paris, Albin Michel, 2018.